Annoncer le décès d'un proche à l'enfant

Parler de la mort en général, n'est pas une chose aisée, et cela se complique davantage lorsqu'il s'agit d'aborder la mort d'un proche et de l'annoncer à un enfant. Que peut-on dire aux enfants? Quels mots utilisés? Qu'est-ce qu'il faut éviter de faire et de dire?  ... autant de questions auxquelles cet article tentera de répondre.

Les idées reçues


« Les enfants ne comprennent rien à la mort »


Les enfants ont une structure psychique qui leur est propre et qui se distingue de celles des adultes.

Il arrive qu'un enfant saute sur les tombes au cimetière ou pique un fou rire pendant les obsèques. Aussi choquantes que ces attitudes puissent paraître, elles ne sont qu'une façade venant masquer leur désarroi et leur souffrance. C'est leur façon, à eux, de faire face au drame. 

De la même façon, un enfant qui joue à la mort alors même qu'un proche vient de décéder, ne signifie pas qu'il ne comprend rien, qu'il est insouciant voire provocant. Ce jeu lui permet une certaine maîtrise de la situation, la possibilité de créer des représentations pour mieux mettre à distance cette réalité insupportable.

Les enfants sont ainsi tout à fait à mêmes de comprendre la notion de mort, même s'ils ont une façon de réagir qui leur est très personnelle. Il est préférable d'essayer de comprendre leurs réactions, qui peuvent certes surprendre, plutôt que de les condamner ou de les stigmatiser

« Il est néfaste de parler de la mort aux enfants »


Guidés par une volonté protectrice, craignant de perturber, de bouleverser, voire de traumatiser l'enfant, les adultes préfèrent ne rien lui dire au sujet de la mort. Beaucoup d'adultes pensent ainsi qu' « enfance » doit forcément rimer avec « insouciance » et « innocence », mais surtout pas avec « souffrance ». L'idée populaire voudrait que l'enfant n'ait pas d'angoisses, de peurs ou de craintes, autrement dit qu'il ne connaisse aucun problème majeur. Pourtant, la mort est une réalité à laquelle l'enfant ne manquera pas d'être confronté, tôt ou tard, dans son existence. Or, à ne pas parler de la mort aux enfants, on ne les prépare pas à faire face à cette épreuve et nous les exposons à de plus grands traumatismes que ceux que nous tentons de leur épargner en restant silencieux.

Par ailleurs, en deçà  de la volonté de protéger l'enfant, c'est souvent l'adulte qui cherche à se mettre à l'abri. Redoutant d'annoncer ce qui le dérange, de parler de ce que lui-même n'assume pas, il traduit par son silence, sa propre angoisse, sa propre peur de la mort.

Cinq raisons de parler de la mort et/ou de la fin de vie d'un proche à l'enfant


  • L'enfant est tout à fait à même de comprendre la notion de mort, si on lui explique en tenant compte de son âge et de son niveau de compréhension. Dès 18 mois - 2 ans, l'enfant qui parle est capable d'évoquer la maladie et la mort. En effet, le langage est, dès son acquisition, lié à la notion de perte : la dimension symbolique et représentative de la parole, en permettant de rendre présent ce qui est physiquement absent, inaugure l'amorce d'un « penser » concernant la séparation et la mort. Ainsi, en dépit de ses réactions qui peuvent être déroutantes pour l'adulte mais qui sont –nous l'avons vu plus haut- une façade,  l'enfant comprend que l'être aimé est mort et qu'il ne vivra plus jamais.

  • Dire la vérité à l'enfant, c'est lui montrer qu'on a confiance en lui et qu'il peut avoir confiance en nous. Nous renforçons ainsi son sentiment d'appartenance à la famille, ce qui est très important dans un contexte de perte comme la mort. En lui mentant, nous brisons la confiance qu'il a envers les adultes et nous l'exposons à ressentir un sentiment d'abandon décuplé (abandon de la personne aimée et abandon de la famille).

  • L'enfant a autant le droit de savoir, d'être informé de la situation que l'adulte. L'enfant fait partie, à part entière, de la famille et la maladie grave ou la mort d'un être aimé le concerne autant que l'adulte. De nombreux adultes, ayant été affligés d'un deuil pendant leur enfance, regrettent amèrement l'exclusion dont ils furent l'objet jadis. Cette mise à l'écart est interprétée, non pas comme une mesure protectrice, mais plutôt comme le vol d'une partie de leur histoire. Il est important de reconnaître l'enfant en tant que sujet, de lui parler avec tact bien sûr, avec délicatesse et en s'adaptant à son niveau de compréhension. Lui donner l'opportunité de partager ce qu'il ressent, et lui permettre de poser les questions qui le préoccupent sont essentiels.

  • Il est illusoire de croire que le fait de ne pas parler devant l'enfant du mourant, de sa maladie et de sa mort imminente, et de se comporter « comme si de rien n'était » puisse empêcher l'enfant de saisir que quelque chose ne va pas dans la famille!  L'enfant perçoit très rapidement le changement d'attitude des adultes, la routine quotidienne qui se modifie, il peut surprendre aisément des conversations à l'insu des adultes… autant d'indices qui trahissent l'existence d'un malaise et d'un mal être général. Or, comme nous l'avons vu plus haut, lorsque l'enfant s'aperçoit qu'on ne le prend pas au sérieux, sa confiance dans le monde des adultes est rompue et son sentiment d'abandon décuplé.

  • En l'absence d'explications franches, l'enfant se met à douter et à échafauder des hypothèses explicatives. Ces tentatives, plus ou moins largement empreintes de ses fantasmes, le conduisent à s'imaginer des choses peut être plus terribles que la réalité. N'oublions pas que l'enfant ressent toujours une énorme culpabilité qui le pousse à croire que c'est parce qu'il n'a pas été sage ou qu'un jour il a souhaité la mort de l'être cher, bref que c'est à cause de lui, que son proche est tombé malade ou est mort. C'est pour cela qu'il est important de toujours rassurer l'enfant et de lui dire combien il n'est pas responsable de ce qui arrive. L'enfant peut aussi craindre que d'autres membres de la famille tombent malade à leur tour, là encore il faut le rassurer.

Ainsi aussi difficile soit-elle à dire, il faut dire la vérité à l'enfant. Effectivement l'enfant sera triste et aura du chagrin, peut être même que ses résultats scolaires fléchiront et qu'il fera des cauchemars la nuit, mais la vérité lui sera beaucoup moins néfaste qu'un non-dit.

Comment annoncer le décès d'un proche


Les propos qui accompagnent l'annonce du décès, puis plus tard, les paroles qui permettront la remémoration du défunt sont de grande importance.

Les choses à éviter


Bien souvent, les adultes essayent d'éviter l'emploi de termes « lourds », comme « mort » ou « enterrement » et préfèrent utiliser des métaphores telles que « s'endormir », « partir au ciel » ou « partir en voyage ». Ces métaphores, si elles aident l'adulte à aborder un sujet qui est compliqué pour lui, à savoir la mort d'un proche, sont à proscrire car elles plongent l'enfant dans une profonde confusion et perplexité.

Dire à un enfant que la personne aimée est « partie en voyage » c'est lui laisser croire à un éventuel retour. L'enfant se pose alors de nombreuses questions : « Quand la personne aimée reviendra-t-elle ? Pourquoi ne donne-t-elle pas de nouvelles ? M'a-t-elle oublié ? Peut être ne m'aime-t-elle plus ? ». Par ailleurs, ce voyage qui s'éternise peut faire vivre à l'enfant un grand sentiment d'abandon et il peut ressentir de la peur dès lors qu'un proche doit s'absenter ou partir au travail et craindre qu'il ne revienne plus.

Identifier la mort à un long sommeil « mamie s'est endormie pour toujours», peut amener certains enfants à être ensuite paniqués à l'idée d'aller se coucher et de s'endormir, au risque de ne jamais se réveiller comme la personne décédée. D'autres enfants, au contraire, peuvent attendre et espérer que le défunt ne réussisse un jour à se réveiller, comme eux-mêmes finissent toujours par le faire.

L'usage de formulations complexes ou incompréhensibles doit, de la même façon, être proscrit. L'absence de  clarté, dans les propos de l'adulte, révèle sa propre angoisse, sa propre ambiguïté vis-à-vis de la mort.

Enfin, s'il est important de dire la vérité aux enfants quant à la disparition de leur proche, il est inutile de leur donner des détails sordides et scabreux sur les circonstances de la mort. Il est préférable de se concentrer sur l'essentiel, à savoir la perte de la personne aimée.

Les conseils


Il n'existe pas de formule toute faite et parfaite pour annoncer la mort d'une personne aimée. Néanmoins, voici quelques conseils qui peuvent vous aider à aborder le sujet avec un enfant.

  • Parlez de la mort en dehors de tout drame. Idéalement, il faudrait parler de la mort aux enfants en amont de tout drame. La mort fait partie de la vie, c'est un phénomène naturel auquel nous sommes tous, tôt ou tard, confrontés. Parler de la mort avec un enfant, en dehors de tout drame, c'est aussi lui permettre de se préparer à affronter cette épreuve. Il existe de nombreuses occasions d'aborder la question de la mort et du cycle de la vie avec les enfants : une plante qui fane, un arbre arraché à l'occasion d'une tempête, un hérisson écrasé sur le bord de la route, un oiseau tombé de son nid… Si les adultes ne trouvent pas les mots pour en parler ou encore, s'ils ne sentent pas à l'aise avec cela, il existe des livres destinés aux enfants qui peuvent les aider à amorcer le dialogue. (cf. fin de l'article, « infos utiles ».)

  • Utilisez des mots simples, claires, directs et sans équivoques pour parler du décès d'un proche. Après avoir utilisé des termes comme « mort », « décès » ou « enterrement », on prendra soin de vérifier que l'enfant a bien compris et, si ce n'est pas le cas, on lui expliquera à nouveau. Il est important de faire des phrases courtes et faciles à comprendre. On peut dire par exemple que «  la mort c'est la fin de la vie », ou encore que « lorsqu'on meurt, on ne respire plus, on mange plus, on ne bouge plus, on ne parle plus, on ne rit plus ».

  • Soyez honnête et sincère : si vous ne connaissez pas la réponse à une question, admettez- le. La mort est un sujet complexe et il n'y a aucune gêne à avouer son ignorance.

  • Rassurez l'enfant : expliquez-lui que même si certaines personnes tombent malades et meurent, en général, les gens vivent très vieux. Dites-lui que vous vous attendez à vivre très longtemps.

  • Soyez disponible, attentif et à l'écoute à l'enfant : écoutez-le, répondez à ses questions, revenez autant de fois qu'il le souhaite sur le sujet (ne vous attendez pas à ce qu'il puisse tout comprendre du premier coup). S'il est demandeur, regardez des photos avec lui, échanger des souvenirs, des anecdotes… Dites-lui que vous êtes là pour lui s'il souhaite parler avec vous, se confier, s'il a d'autres questions afin de favoriser un climat étayant de dialogue et de confiance.

  • Encouragez-le à exprimer ce qu'il ressent. Vous pouvez lui rappeler qu'il n'y a aucune honte à montrer sa peine. Cela peut l'aider à composer avec ses propres sentiments de perte.  Par ailleurs, ce peut être l'occasion pour l'enfant de vous faire part de son sentiment de culpabilité (« Ai-je été assez gentil ? ») voire de sa colère (« Pourquoi m'as-tu abandonné ? »), vous pourrez ainsi le rassurer et apaiser sa colère.

  • La question sur ce qui se passe après la mort. Si l'enfant vous pose des questions à ce sujet, ce peut être l'occasion de lui parler de vos croyances. Expliquez-lui également que d'autres personnes peuvent avoir d'autres convictions, et que c'est très bien ainsi. En montrant votre ouverture d'esprit, vous lui permettez de développer ses propres opinions.

Les obsèques et la présence de l'enfant


De nombreux adultes se demandent s'il est approprié ou non que les enfants assistent aux obsèques du proche disparu. La crainte de sa réaction et le désir de le protéger d'un traumatisme supplémentaire font hésiter sur l'opportunité de sa présence. L'essentiel n'est pas d'apporter une réponse tranchée à cette question, mais réside dans le respect de la décision de l'enfant.

Lorsque l'enfant exprime le désir d'être présent, il convient de lui apporter un certain nombre d'explications. Dire en quoi consiste et comment se déroule la cérémonie, prévenir que les personnes présentes risquent d'être très tristes et que l'enfant aura peut-être envie de pleurer, sont des éléments d'informations, parmi d'autres, qui contribuent à diminuer l'inquiétude suscitée par cette expérience inhabituelle.

L'accompagnement de l'enfant par un adulte pendant toute la durée de la cérémonie se révèle primordial. L'écoute attentive et la réassurance procurée par ce soutien ne peuvent être que d'un grand réconfort en de telles circonstances.

L'enfant qui refuse d'assister aux obsèques doit, de la même façon, être entendu dans son choix. Néanmoins, son absence au moment des funérailles n'exclut pas toutes possibilités de participations aux rituels. L'enfant peut très bien témoigner de son implication et de sa contribution en écrivant un poème, en faisant un dessin que vous déposerez dans le cercueil…

Plus tard, peut-être manifestera-t-il le désir d'entendre un adulte lui raconter comment les choses se sont passées, peut-être souhaitera-t-il se rendre sur la tombe du défunt.

Se souvenir du défunt


L'évocation des souvenirs et la recherche de traces qui authentifieraient l'existence de l'être cher permettent à l'enfant de restaurer, symboliquement, le lien interrompu par la mort. Les affaires ayant appartenues au défunt, les lieux partagés à ses côtés sont investis des qualités de l'objet transitionnel (Winnicott), entre le « être avec » et le « être sans ». Ce sont des repères extérieurs auxquels l'enfant s'accroche avant que d'autres, plus intérieurs, ne se créent. Ces objets transitionnels permettent à l'enfant, comme leur nom l'indique, de cheminer, de transiter progressivement vers cette redoutable réalité : « l'être cher n'est plus là ».

Cachés sous un oreiller, rangés au fond d'un tiroir, ou déposés sur un meuble (ex : les photos), les objets sont des garants du souvenir et les supports du travail de remémoration, étape indispensable à l'évolution du processus de deuil. Conserver pour ne pas oublier, exposer pour que l'autre n'oublie pas, lui non plus. Parfois les objets se font menaçants. Ils s'associent aux remords de ne pas avoir su garder en vie celui/celle qu'on a aimé, remords d'être soi-même en vie…

Cependant, à mesure que la blessure causée par la disparition de l'être cher se fait moins douloureuse, les pouvoirs dont l'enfant avait investi ces objets tendent à s'épuiser. L'enfant n'a alors plus besoin d'avoir recours à la réalité externe (objets appartenant au défunt) pour se rappeler l'être chers, il a intériorisé tous ces souvenirs. Désormais, l'usage que fait l'enfant endeuillé de ces objets s'effectue avec l'assurance de la présence intérieure de la personne aimée.

Solliciter l'aide d'un professionnel 


Il arrive parfois que l'aide apportée à l'enfant par sa famille ou les proches ne soit pas suffisante, ou encore que l'entourage soit dans une telle souffrance qu'il ne puisse pas soutenir adéquatement l'enfant. Dans ces situations, le recours à un soutien extérieur est tout à fait justifié et utile.

Les familles peuvent solliciter l'aide d'un professionnel de la santé mentale (psychiatre, psychologue). Consulter un « psy », ne signifie pas que l'enfant est en train de devenir fou ou malade psychiquement, comme beaucoup auraient encore tendance à le croire ! La consultation avec « un psy » est l'occasion pour l'enfant de se voir offrir un espace de parole où il pourra dire ce qui lui pèse sur le cœur, en toute liberté, sans crainte de la critique ou du jugement.  Par-delà l'expression des émotions, l'enfant se fait accompagner dans sa quête de sens, clé de voûte de son travail de deuil et moyen d'intégration de la perte à son histoire de vie. 

Enfin, il existe aussi des associations qui proposent des groupes de parole encadrés par des professionnels, une écoute téléphonique par des bénévoles et des ateliers spécialement conçus pour les enfants endeuillés. 

Infos utiles 


Les sites web d'associations spécialisées:

Quelques livres destinés aux enfants qui abordent la question de la mort :
  • Au revoir blaireau. Susan Varley, Marie Saint-Dizier et Raymond Farré (dès 3 ans)
  • Bonjour madame la mort. Pascal Teulade et Jean-Charles Sarrazin (dès 4 ans)
  • Si on parlait de la mort ? Catherine Dolto, Colline Faure-Poirée et Frédérick Manso (dès 4 ans)
  • Les questions des tout-petits sur la mort. Marie Aubinais, Dankerleroux et Anouk Ricard (dès 4 ans)
  • Ma maman Ourse est partie. René Gouichoux, Olivier Tallec (dès 4 ans – permet d'expliciter l'expression « elle est partie » aux enfants.)
  • On va où quand on est mort ? Martine Hennuy, Sophie Buyse (dès 6 ans)


Si vous souhaitez réagir: opheliacavanna@gmail.com



Ophélia Cavanna Psychologue Clinicienne



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